Attention ! Une fée peut en cacher une autre

De Hélaine Charbonnier Teljesseg, 15. décembre 2017

 

Tout est lié, on ne le répètera jamais assez. Tout est en interaction constante avec tout. Et ce que l’on appelle l’imagination n’est jamais qu’une grande banque de données déjà existantes dans laquelle la création vient puiser. C’est là ce dont j’ai fait une nouvelle fois l’expérience le jour où j’ai entrepris de donner corps à L’Écuyère du Royaume.

La veille, j’avais reçue dans la maison où j’habitais une femme physiquement étonnante. Une femme dont la chevelure noire balayait le plancher. Forte. Puissante. Féminine et effrayante en diable. Une femme qui, je l’avais assez tôt compris, avait été l’écuyère égérie du dénommé Bartabas. Une amoureuse, à sa manière, des chevaux.

Le lendemain, je m’étais mise à l’ouvrage, tellement j’étais désireuse de m’en inspirer. Et pourtant j’ignorais en la concevant, quelle était – ou serait - la véritable nature de cette fée. Mais pourquoi cette hésitation dans le temps pourriez-vous peut-être me demander ? Tout simplement parce que son visage n’allait cesser de subir un nombre invraisemblable de transformations avant que d’aboutir à celui sur lequel je m’étais arrêtée.

Tout d’abord, j’allais devoir me résoudre à tresser sa toison. Puis à couper sa longue natte. Pour finir par ramener ce qu’il en restait en une sorte de chignon assez improbable au dessus de sa tête. Par la suite, j’allais rallonger le lobe de ses oreilles. Indianiser ses traits. Changer légèrement le contour de sa bouche… Et tout cela sans jamais le conscientiser.

En fait, tout ce que je savais d’elle, c’est qu’elle possédait une grande puissance féminine : un alliage de force et de délicatesse. De sagesse et de robustesse. De bienveillance et de générosité. Du moins jusqu’au jour où mon compagnon d’alors me demande si je savais ce que je venais de représenter.

« C’est L’Écuyère du Royaume, avais-je alors annoncé ingénue et étrangement fière : ma toute dernière fée ! »

« Non », m’avait-il répondu gentiment car il ne pouvait ignorer que j’allais devoir me rendre à l’évidence. L’Écuyère du Royaume avait manifestement cédé la place à autre chose : c’était un Bodhisattva féminin. « Tu ne connais donc pas Kwan Yin ? » avait-il alors demandé.

« Ben non » avais-je répondu et de fait, le « je » que je connaissais ne la connaissait alors pas. »

Kwan Yin… une femme qui, bien qu’ayant atteint ce que l’on appelle l’éveil, a renoncé à accéder au rang de Bouddha pour rester plus proche des hommes.

Kwan Yin… une déesse de la compassion : une Fée.