Légèreté

De Eva Wissenz, 2. mai 2017

 

Dans le silence, revenir aux fondamentaux.

Comme disait Paul Valéry : « Il faut être léger comme l’oiseau, et non comme la plume. »

Le verbe grec forgé il y a des centaines d’années pour dire « rendre visible quelque chose qui n’était pas là, ou plus vu », ou encore « rendre connu, visible, ce qui est encore inconnu », ce verbe c’est : poiesis. Toute personne parlant, écrivant, est poète. Rapidement, le verbe en est venu à signifier « créer », « agir spontanément ». On ne dira jamais assez la puissance créatrice de nos mots !

Et l’expression « juste » comme l’action « juste » adviennent depuis et dans cet espace de rencontre, secret, poétique, teinté de silence et de tranquillité, laissant loin derrière l’alliance apaisée entre les dualités de Mars et de Vénus.

Dans son merveilleux essai sur la littérature, Leçons américaines, Italo Calvino dégageait quelques idées fortes pouvant servir à une littérature du 21e siècle. En ouverture, il choisit le poète Guido Cavalcanti comme illustration de la légèreté. Cavalcanti est un poète et troubadour toscan, à l’origine d’un renouveau de la langue qu’on appellera le Dolce Stil Nuovo. Il était également le meilleur ami de Dante.

Calvino le montre sautant par-dessus un muret. Léger. Une légèreté qu’il faut comprendre comme cet élan, cette ivresse, ce lâcher-prise du langage et de la pensée lorsque les nouvelles définitions sont posées et que l’on accepte de ne plus rien comprendre encore, et de dire oui encore à l’art, au Souffle tel qu’il nous traverse ou tel qu’Il se laisse traverser.

Légèreté : « Si je voulais choisir un symbole votif pour saluer le nouveau millénaire, je choisirais celui-ci : le bon agile et imprévu du poète-philosophe qui prend appui sur la pesanteur du monde, démontrant que sa gravité détient le secret de la légèreté – alors que ce qui passe aux yeux de beaucoup pour la vitalité d’une époque bruyante, agressive, piaffante et vrombissante appartient aussi sûrement au règne de la mort qu’un cimetière d’automobiles rouillées. »

in Extraits de Leçons américaines – Aide-mémoire pour le prochain millénaire, Gallimard, 1989, trad. de l’italien par Yves Hersant.