Lune d’argent

De Citations et invités, 18. août 2017

 

Garder mes cheveux gris ce n’est pas renier ma féminité c’est au contraire l’assumer.

Fil à fil, mes cheveux sont passés de la couleur du chêne sombre vers l’argenté. J’ai fait disparaître les premiers, j’étais encore jeune, pas encore mère. La maternité, cadeau de la vie, m’a fait poser chacun de mes regards vers le petit être et ce fut une vraie surprise de découvrir ma chevelure déjà bien engagée dans le processus de transformation.

Teindre ou pas teindre ? Telle fut la question que je me suis posée presque quotidiennement pendant plusieurs années.

Si les icônes de féminité sont généralement des actrices et mannequins, jeunes, filiformes et jetables, mon idée de la féminité a heureusement toujours été au-delà. Adolescente, ce sont Marisa Berenson et Kathrine Hepburn qui m’ont fascinée, les figures romantiques des pré-rafaélites qui ont été mes modèles. J’ai fait tatouer La vénus de Lespugue sur mon ventre pour mes trente ans, symbole de la mère Terre, c’est à elle plus que tout que je me sens liée.

J’ai pu accepter d’être femme lorsque j’ai compris qu’être femme est bien différent d’être féminine. Et féminine bien plus vaste qu’être et rester “sexy”.
Être femme est si vaste et si multiple que personne ne peut définir pour nous ce qu’est être femme.
J’insupporte le lieu commun du mystère féminin.
Mais s’il est une chose que toutes les femmes ont en commun ce sont les changements morphologiques que nous allons vivre. Ces changements se heurtent parfois aux attentes que la société a de nous et que par notre éducation, par notre soumission, nous nous imposons à nous même.
The Maiden, the Mother and the Crone. La jeune fille, la mère et la vieille. Ou la grand-mère.
Les trois aspects de la femme au cours de sa vie comme dans une peinture de Klimt. Par douceur nous pourrions l’étendre à douze aspects et peindre l’image d’une transition moins drastique.

Lorsque j’ai rencontré Joanne Pawnee Parent, métisse du Canada, herboriste qui souvent vient en France avec son époux Robert Sept Corbeaux, conteur-musicien et homme-médecine, nous avons discuté et réfléchit, avec un groupe de femmes, sur l’importance des rites de passage. Que sont les rites de passages ? A quoi servent-ils ? A t’on encore dans nos pays d’Occident ces rites de passages qui nous accompagnent dans les différentes étapes de notre vie ?
Joanne nous a raconté la loge des femmes de ses ancêtres, où les femmes qui ont leurs lunes (pas leurs règles, leurs lunes) se reposent. Dehors, les grand-mères et les fillettes s’occupent de tout. Les fillettes savent cependant qu’un jour elles entreront dans la loge des femmes. Et les femmes dans la loge, savent qu’un jour à leur tour elles deviendront “grand-mère”, et qu’un châle couvrira leur épaules.
A la suite de cette rencontre j’ai écrit plusieurs histoires sur les rites de passage, mais j’ai surtout intégré cette notion dans ma vie.
Et mes cheveux gris sont devenus des fils d’argent.

La lune rouge de la Mère a peu à peu laissé place à la lune d’argent de la Grand-Mère.
Je ne suis pas grand-mère socialement parce que mon fils est encore adolescent et peut-être n’aura t-il jamais d’enfant, mais je préfère le mot “Grand-Mère” à “Vieille”. Les enfants me voient certainement comme une vieille. Normal j’ai les cheveux gris. C’est choquant. C’est drôle.

Je me suis demandé longtemps si je n’allais pas teindre mes cheveux. J’ai essayé deux fois. La première mes cheveux étaient devenus roses, la seconde c’est la salle de bain qui est devenue marron.
Un monsieur dans un restaurant, une bibliothécaire, des amis, tant de personnes m’ont dit que mes cheveux gris sont beaux, je me suis résolue à les laisser ainsi.
Mon corps à changé pour de bon avec les fameuses bouffées de chaleur. Ma mère les avait détestées. Elle me l’a dit plein de fois. Un patch aux hormones avait résolu le problème.
Je veux accueillir chaque bouffée comme un rite de passage.
Je deviens Grand-Mère.

I am a crone.

Pas la vieille femme blanche et osseuse du tableau de Klimt. Mais j’avance vers elle. Inéluctablement.
Cet été je suis allée à Glastonbury. Dans cette ville du sud de l’Angleterre sortie d’une version New age de Harry Potter. Là, dans les brumes d’Avalon, se trouve un temple de la Déesse.
Céres, Isis et Ceridwenn nous acceuillent dans un lieu de recueillement, de prière, de contemplation, d’unité de tous les aspects de la femme.
Dans la fumée de l’encens d’Hécate la prêtresse m’a accompagnée dans le passage.
Je suis femme en Lune d’argent, mon pas est léger car je sais choisir les chaussures qui conviennent à mon pied. Je souhaite que le chemin soit encore long pour découvrir encore tous les aspects d’être au monde. Et libre d’être moi-même, certes dans les limites imposées par la nature, mais pas en celles imposées par la société.

Jennifer Dalrymple